Exposition Franck Dion 2013

Franck Dion au bailliage d'Aire-sur-la-Lys

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Franck Dion préféra, aux brillantes études qui s’ouvraient devant lui comme un destin dessiné par une main qui n’était pas la sienne, se diriger vers l’improbable avenir du comédien et de l’artiste. Il ne cherchait ni maitre, ni élève d’ailleurs. Il cherchait à devenir lui-même. D’abord comme comédien, interprète du destin des autres, formant dans le même temps dans le plus grand secret une maitrise personnelle de la sculpture, du dessin et de la peinture, puis comme illustrateur, décorateur de théâtre et animateur.

De ce foisonnement tumultueux, de ce style grandissant, de cette création intense, un univers de personnages, de machines et de lieux se déplia de l’ombre où ils dormaient, à travers tous les supports antiques qui s’aventuraient près de lui jusqu’aux plus modernes. Du papier et du crayon, de la feuille et du stylo bic, de la glaise et de l’ébauchoir, de la photo à la retouche et à la tablette numérique. C’est ainsi qu’en 1999 Franck Dion mettra en ligne la première version de son site : Les voyages imaginaires qui obtiendra en 2001 le net d’or du meilleur site artistique.

Mais que portaient déjà, du sépia au c’est bleu, ces visages interrogatifs, ces caractères étranges que tu faisais émerger, que voulaient dire ces décors immenses, poétiques, sombres, ces enchevêtrements mécaniques, ces poussières et ces brumes, ces lumières et ces ombres que tu modelais, ces géographies et ces climats que tu laissais libre à l’imagination des autres ?

Depuis déjà longtemps tu désirais raconter des histoires, tes histoires peut-être un peu de ton histoire, celles des autres que tu observais d’une terrasse de café, curieux de ces vies qui passaient devant toi. Elles se racontaient déjà dans les univers fantastiques de tes illustrations, de ton théâtre pictural, de tes mises en scène qui unissaient là le geste du comédien et celui de l’artiste. Image après image tu arrivais pas à pas à l’image par image : au film d’animation. Un tête à tête, une rencontre attendue, inévitable qui prit le temps de bien se faire. Le passionné de cinéma que tu étais, allais faire le sien de l’antique au numérique.

C’est ainsi que tu pris le risque insensé de te confronter aux lenteurs de la mise en œuvre d’un court métrage d’animation avec de vraies marionnettes en réalisant L’inventaire fantôme. Ta première réalisation et l’aboutissement d’un travail de mise en forme narrative sur plusieurs années. Un personnage central, un huissier qu’un vieil homme hors d’âge, handicapé n’arrête pas, un huissier qui ne rend justice qu’à sa mémoire en la retrouvant avec angoisse et effroi comme surgie d’une chair qu’il avait oublié. L’huissier Soms passe de l’homme fonctionnel, inquiétant, théâtral comme portant un masque de comédie d’art italienne, à l’homme douloureux, touchant je n’ose pas dire… sympathique…non, je ne le dis pas. Il ne se saisi que de lui-même, qui en retour s’autosaisi d’effroi. Mais finalement qui est là, un huissier ? Un homme ? Un peu de nous ? A chacun l’inventaire de son fantôme.

Après cette première expérience cinématographique comme auteur et réalisateur, tu fondas avec quelques amis la société de production Papy 3D et dans cette foulée joyeuse, pris le chemin de la réalisation d’un deuxième court métrage, Mr Cok. Cette fois ci tu employas les techniques du papier découpé, de la maquette et de la 2D numérique. Dans ce film tu remets encore en bataille l’individu non plus combattant sa mémoire mais une société inhumaine symbolisée par Mr Cok, où l’homme perd son travail en usine au profit des machines (qui pourrait croire cela), usine dont l’objet de production n’est là, de toute manière, que pour le détruire, lui ou son parent, son voisin, ou cet homme… oui celui là ! Celui que l’on pourrait connaitre, de chez nous ou d’ailleurs. L’usine à fabriquer des bombes va droit au but (obus). Elle n’est là que pour la survie d’un système où l’individu est manipulé, exclu au profit de mécaniques dépourvues... De la poussière des morts et des vivants, des décors obscurcis, surhumains, démesurés, émerge cet individu amputé, isolé mais combattant, révolté, immense dans sa petitesse. A chacun cette liberté, être un individu, certes fragile mais irréductible.

Et puis avec cette entame énergique qui le caractérise, Franck Dion a réalisé son troisième film Edmond était un âne. Cette production lui a permis d’aborder, de découvrir encore une nouvelle technique, d’alimenter cette insatiable curiosité qui l’anime et de dévoiler un personnage qui avait pris ses racines quelques années auparavant. Au centre toujours un seul individu isolé, un employé modèle mais qui se révèle à lui-même dans un corps et une âme dévoilés par la dérision et les moqueries de ses collègues. Edmond n’est pas ce petit employé de bureau, conditionné, empaqueté dans sa fonction, étriqueté par le regard des autres, Edmond est un âne, libre. A chacun sa liberté, être l’individu qu’il désire être au plus profond. Ce n’est pas sans risques.

Je sais que Franck Dion n’est pas un homme qui fonde son identité sur les résultats des compétitions entre les films, ce n’est pas son combat. Les distinctions obtenues sont des soutiens, des encouragements nécessaires et chaleureux, et ça chauffe en ce moment, je vous en ai épargné la longue liste juste à dire qu’elles ont été pour ce dernier film étoffées par le prix spécial du jury au festival d'Annecy 2012, le prix du meilleur film international au Shortshorts festival de Tokyo, ainsi qu’une nomination au Cartoon d’or et aux Césars 2013 dans la catégorie meilleur film d’animation et d’autres à Dresde récemment, et d’autres encore qui pointent à l’horizon infini de la renommée. Un tsunamical de récompenses qui éclairent un réalisateur libre et généreux, le poète avocat de l’humble et du petit, déchiré et révolté, conscient.

L'Écho de la Lys

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